Paul Jenkins

(1923-2012)

Paul Jenkins est un artiste américain né en 1923 à Kansas City dans le Missouri. Il étudie d’abord au Kansas Art Institute (1937-1942). Grâce à l’obtention d’une bourse il entre à la Cleveland Play House, une école de théâtre, où il s’intéresse surtout aux décors. La Seconde Guerre mondiale interrompt cette formation. Il est mobilisé en 1943 dans l’US Naval Air Corps où il sert jusqu’en 1945. Il s’installe à New York en 1948. Il étudie à l’Art Students League, célèbre institution fréquentée avant lui par Alexander Calder, Jackson Pollock, Roy Lichtenstein parmi d’autres artistes. A New York, Jenkins côtoie Mark Rothko, dont il va être très proche, et qui joue un rôle majeur dans l’orientation non figurative de son œuvre. A New York « Mark Rothko, Jackson Pollock, Franz Kline, Willem de Kooning, Joan Mitchell, Robert Motherwell. On se fréquentait tous. [1]» A la même époque Jenkins s’intéresse aux philosophies orientales et à l’occultisme qui constituent une autre rencontre déterminante. A cet égard, au-delà de l’effet de mode dont il a été l’objet dans les années 1950, Georges Gurdjieff, a marqué en profondeur l’œuvre de Jenkins.

Au début des années 1950 grâce à la G.I. Bill (Servicemen’s Readjustment Act), Paul Jenkins voyage en Europe. Il s’installe à Paris en 1953 où il se familiarise avec la peinture européenne. Il est fortement marqué par la peinture de Gustave Moreau, Odilon Redon, Paul Gauguin, Henri Matisse, Wassily Kandinsky. « La façon que chaque peintre a de concevoir et de rendre la lumière est un mystère indéchiffrable qui demeure l’inexplicable secret de l’artiste », confie-t-il a Philippe Bouchet[2]. La scène artistique parisienne contemporaine est quant à elle dominée par l’abstraction de l’art informel. Jenkins rencontre à Paris Jean Dubuffet, Georges Mathieu, Pierre Soulages ainsi que des artistes américains vivant alors à Paris, notamment Sam Francis. Il vivra dès lors entre Paris et New York. Il expose dès le milieu des années 1950 : à Paris, Studio Paul Facchetti, à Seattle, Zoe Dusanne Gallery, puis à New York, Martha Jackson Gallery. En 1956, avec sa première femme Esther Jenkins, il publie Observations of Michel Tapié.

Son œuvre s’articule essentiellement autour de la couleur lumière. Le prisme exerce sur lui un intérêt majeur. « Que la lumière crée la couleur est un sujet à jamais fascinant. [3]» Il s’intéresse aux théories sur la couleur qui ont fleuri au XIXe siècle. L’étude du Traité des couleurs de Johann Wolfgang Goethe, publié en 1810, le conduit à la création de la série des Phenomena en 1960. Les Phenomena sont exécutées sans pinceau. L’artiste verse les pigments liquides directement sur la toile qu’il oriente à sa guise afin de diriger le flux et la répartition de la couleur. Il utilise également pour ce faire un couteau en ivoire. Jenkins n’est pas le seul à l’époque à peindre sans pinceau ; pensons aux drippings de Jackson Pollock, aux « coulures » de Morris Louis, jusqu’aux anthropométries d’Yves Klein à la fin des années 1950. « Centrées autour du prisme en tant que noyau central opérationnel », les Phenomena « révèlent, dans les ondoyants replis de leurs couleurs vives, l’entière histoire de l’événement qu’elles constituent. [4] » Jenkins voyage au Japon où il travaille avec le groupe Gutaï. Il voyage également en Inde, toujours très féru de mysticisme oriental.

Une monographie de son travail est publiée en 1973 par Albert Elsen chez le célèbre éditeur Harry N. Abrams, New York. Celui-ci édite également l’autobiographie de l’artiste, Anatomy of a Cloud, en 1983.

En 1976 Jenkins s’intéresse au prisme de Newton et travaille sur les effets de transparence et d’opacité de la couleur. Au cours de la décennie suivante, parallèlement à la peinture par « coulure », il recourt à des empâtements. La couleur se différencie. Elle gagne en intensité. Ce sont pour Jenkins deux moyens de faire émerger le devenir de l’œuvre.

En 1987 sa pièce chorographique, Prisme du Chaman, pour laquelle il est également l’auteur des décors et des costumes, est présentée à l’Opéra de Paris.

Il s’éteint à New York en 2012.

Paul Jenkins a une œuvre lithographique assez importante. Dans les années 1960 il fréquente le célèbre atelier de Fernand Mourlot. En 1967 à l’invitation de l’atelier Mourlot, à l’instar d’autres artistes comme Calder par exemple, il crée une affiche pour célébrer l’ouverture d’une antenne à New York (115 Bank Street). Puis à partir de 1987, il pratique la lithographie à l’atelier Bordas. Il y conçoit avec André Verdet le livre entièrement lithographié Euphories de la couleur (1988) et la série Sept aspects d’Amadeus et les autres (1992) réunissant plus d’une cinquantaine de lithographies.

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Phenomena:  Edge of August, Aquarelle, 76 x 57,5 cm © ADAGP, Paris, 2024.

[1] Entretien avec Philippe Bouchet, dans Régis Dorval (dir.), Paul Jenkins : œuvres majeures, cat. exp., Lille, Palais des Beaux-Arts, 2005, repris dans Paul Jenkins, Paris, Galerie Diane de Polignac, 2014.

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Restany, « Paul Jenkins. La Couleur, la lumière et le Chamane », Cimaise n°190, septembre-octobre 1987.

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