La lithographie est un procédé de reproduction par impression d’un dessin exécuté à l’envers sur une pierre calcaire. Cette technique d’estampe fut inventée par l’allemand Alois Senefelder en 1799 et popularisée en France dès le début du XIXème siècle. La lithographie est assimilée tout au long du siècle par des artistes reconnus comme Delacroix, Géricault ou encore Manet. Elle permet de rendre accessible à moindre coût les œuvres d’un artiste. C’est pourquoi au XXème siècle, un véritable marché de la lithographie s’est instauré en France : de grands artistes comme Pablo Picasso, Marc Chagall ou encore Henri Matisse ont créé de nombreuses œuvres en lithographie, que ce soit pour des livres illustrés, des affiches ou des albums. Ces productions ont participé à la popularité et à la cote de cette technique.
Sur le marché, on observe que les prix d’une lithographie à une autre peuvent varier de plusieurs milliers voire centaines de milliers d’euros. Cela est dû à de nombreux facteurs ne correspondant pas seulement à la renommée de l’artiste. Mais alors, quels sont les critères qui permettraient d’estimer la valeur d’une lithographie ?
Sans surprise, la renommée du créateur est un élément consubstantiel à la valeur de la lithographie. Comme pour toutes les œuvres d’art, la popularité de leur artiste fait augmenter les prix. Par exemple, les estampes de Pablo Picasso ou Marc Chagall sont reconnues comme étant de très grande valeur.
Mais la célébrité de son auteur n’est pas suffisante pour fixer le prix d’une estampe ! Cela est complémentaire de la qualité de l’œuvre. En effet, les lithographies, gravures ou eaux-fortes, réalisées sur papier, sont très fragiles. Elles craignent le soleil ou la poussière et peuvent être déchirées. Si l’œuvre est mal conservée, sa valeur chute alors instantanément, même si elle a été réalisée par Pablo Picasso ou Joan Miro. Il est donc essentiel d’observer la couleur et l’état du papier avant de fixer un prix. La valeur de deux lithographies issues d’une même série peut varier du tout au tout en fonction de leur bonne ou mauvaise conservation.
La qualité d’impression d’une estampe est aussi un gage important de sa valeur. Une bonne maîtrise de la technique de la lithographie est primordiale.
L’authenticité de l’estampe est sans nul doute un gage de sa valeur. Or, on rencontre aujourd’hui de plus en plus de problèmes de falsification, c’est pourquoi la certification d’une œuvre permet de rassurer l’acheteur potentiel sur la juste valeur de son acquisition. De cette tendance grandissante à vouloir attester l’authenticité d’une estampe découle l’importance du rôle de l’expert qui est capable de discerner le vrai du faux. Si le travail de l’expert sur une œuvre ne fait pas augmenter la valeur d’une estampe, il permet néanmoins de garantir la justesse de son prix.
L’exclusivité d’une lithographie est également un élément qui permet de juger de sa valeur. En effet, les estampes n’étant pas des œuvres uniques, un tirage limité confère aux impressions rareté et originalité. On peut considérer deux caractères définissant l’aspect exclusif d’une estampe : la série et l’édition. En lithographie, on considère que le tirage moyen pour une série est de cent exemplaires. C’est pourquoi il est intéressant de se renseigner sur l’artiste et sur l’œuvre en question car un tirage très important, s’il ne diminue pas la qualité de l’œuvre, peut réduire sa valeur pécuniaire. En effet, il semble important de préciser que pour une impression d’art en édition limitée, le numéro de la lithographie (par exemple 75/100) n’a pas vraiment d’influence quant à la valeur de l’œuvre. Cela s’explique par le fait que la qualité d’impression n’est pas différente d’une lithographie à une autre. En effet, la pierre garde les mêmes propriétés que lors de la première impression.

Tous les éléments hors de l’image, dans la marge ou au dos des lithographies, gravures ou eaux-fortes sont importants. La signature est une garantie de l’authenticité de l’estampe et n’étant pas systématique, elle augmente sa valeur car elle peut en faire une œuvre unique parmi tous les exemplaires de la série.
On peut également y trouver bon nombre d’indications, le plus souvent au crayon de papier : croquis, contre-signatures, annotations de l’artiste et l’estampe peut aussi être réhaussée à la main. Toutes ces précisions permettent de mieux situer l’œuvre dans le processus de création et sont donc une valeur ajoutée.
Les annotations sur les œuvres peuvent être de trois sortes. Ce sont souvent des initiales mais on peut les retrouver écrites en pleines lettres. BAT signifie « bon à tirer », l’artiste l’écrit sur la première impression indiquant qu’il est satisfait de ce premier tirage, il accepte donc que le lithographe réalise la série comme prévu. Notifiant l’impression originelle d’une série, la lithographie comportant une inscription « BAT » a plus de valeur que celles numérotées.
En plus des tirages numérotés, il existe des impressions supplémentaires portant les mentions E.A. (épreuve d’artiste) ou H.C. (hors commerce) par exemple. Ces épreuves, à l’origine destinées à l’artiste et aux collaborateurs de chaque tirage, peuvent apparaître sur le marché après un certain temps, au fil des décès et successions. Dans le domaine de l’estampe, les épreuves d’artistes ou hors commerce ont la même valeur numéraire que les épreuves numérotées.
Outre ces éléments d’analyse, centrés sur les œuvres et leur créateur, il ne faut pas oublier que la lithographie, la gravure, les eaux-fortes font partie du marché de l’art, et plus précisément de celui des estampes.
Ainsi, leur valeur fluctue de deux manières. La première est celle d’un contexte économique, social et politique qui influe sur le comportement des acheteurs potentiels. Il suscite un engagement plus mesuré dans les décisions d’acquisitions de la part des collectionneurs. D’une autre manière, il y a des fluctuations dans l’alimentation du marché, c’est-à-dire que, par moments, un grand nombre d’estampes d’un même artiste est mis en vente ce qui peut limiter un certain engouement car les œuvres sont d’emblée moins rares. A l’inverse, la mise en vente de pièces exceptionnelles peut faire augmenter les prix face à l’abondance de la demande. Il faut également penser que le monde de l’art fait l’objet d’effets de mode, qui font évoluer les intérêts portés par les collectionneurs à certains artistes. Si ces phénomènes ne changent pas en soit la valeur de la lithographie, ils peuvent entraîner un ajustement des prix par les galeristes.
Le marché de l’estampe fait tout de même face à la concurrence, notamment celle de la photographie qui attire un public plus jeune. En effet, le marché de la photographie se rapproche de celui de l’estampe car les œuvres sont soumises au même principe d’exclusivité et qu’il s’adresse à des personnes ayant un budget similaire aux acquéreurs de lithographies.
Néanmoins, il semblerait qu’il y ait un regain de l’attrait pour ce marché notamment par l’intérêt qu’y portent les musées français et étrangers mais également par le dynamisme dont font preuve les galeristes. Certains déplacent leur activité sur internet quand d’autres se fédèrent pour organiser des salons et des expositions afin de conserver cette émulation et de faire connaître les œuvres à un large public.
Plusieurs éléments doivent donc être analysés attentivement pour déterminer la valeur d’une lithographie et ils ne sont pas qu’artistiques. C’est la combinaison de la créativité de l’artiste, de la maîtrise technique, de l’exclusivité, de la justification, de l’état du marché et d’un contexte socio-économique qui confère sa valeur à chaque estampe.